Auriez-vous le courage de jeûner pendant au moins trente jours consécutifs de l'aube jusqu'au coucher du soleil ? Non ?
He bien, en principe, c'est 1,7 milliard de personnes qui s'y adonnent à chaque année. Le ramadan est un mois saint de la religion musulmane. Il s'agit d'un mois sacré durant lequel chaque croyant ayant l'âge requis est appelé à ne pas manger, à ne pas boire, à ne pas fumer et n'avoir aucune relation sexuelle tant que le soleil se pointe le bout du nez. Cette pratique est un des 5 piliers de l'islam.
Véritable phénomène social qui bouscule les habitudes quotidiennes de tous les tunisiens, le ramadan n'est jamais tout à fait aux mêmes dates d'une année à l'autre. C'est que cette période doit correspondre avec un mois lunaire pré-déterminé. Et le début n'est déclaré que la veille car le Mufti, chef religieux du pays, doit apercevoir un faisceau lumineux au travers la lune à un moment précis. Ensuite, il déclare le début du mois saint. Cette année, il a commencé le 17 juin.
En fait, je l'ai réellement appris la veille aussi. J'ai réellement appris que plus aucun magasin ne vendrait d'alcool pour la durée complète du ramadan. J'en ai donc profité pour faire quelques petites réserves, il va s'en dire.
Ce mois est particulièrement éprouvant pour beaucoup de gens. Les personnes âgées et les souffrants étant tout de même exemptés. Pourtant, tout le monde le pratique. La pression sociale est très forte.
Voici la journée typique d'un tunisien pendant le mois du ramadan:
1) Il se lève vers 3h pour manger avant l'aube
2) Il se recouche pour s'assoupir jusqu'à son départ au travail
3) Il travaille jusqu'à 15h sans boire, ni manger.
4) Retourne chez lui faire une sieste
5) Attend la rupture du jeun vers 20 h pour manger. À cette heure, n'essayez pas de trouver quelqu'un dans la rue. Ils sont autour de la table quelques part, attendant impatiemment leurs premières bouchées.
6) Le souper se fait en famille, débute avec du lait et des dattes, doucement pour faire attention à l'estomac fragile. S'ensuit un festin quotidien et une fête qui dure jusqu'à minuit- une heure.
7) Petite sieste de 2 heures en attendant 3h.
8) Ainsi de suite...
Alors, vous comprendrez que cet exercice routinier crée quelques inconvénients. Le Huffington Post Maghrébin en a recensé quelques unes dont j'ai été témoins. Voici quelques citations de l'article:
- Contreproductivité : "Personne ne peut le nier, pendant le mois de Ramadan, le pays fonctionne au ralenti. Et comme cela coïncide depuis quelques années, avec la séance unique appliquée en été, pour les fonctionnaires, les horaires administratifs de travail sont de 7h30 à 14h (et 13h vendredi). Mais comme ils veillent très tard, et qu’ils ne prennent pas leurs cafés le matin, inutile de dire que la productivité est proche de zéro..." Pour ma part, j'ai été témoin de plusieurs petits roupillons involontaires chez les collègues.
- Pénurie d'alcool: "En Tunisie durant le Ramadan, les bars ouverts ne servent d'alcool qu'aux étrangers (non musulmans), sous présentation de la carte d'identité et vérification que le nom ne soit pas d'origine musulmane... Aberration ou pas? il faut s'y faire! Les points de vente d'alcool ferment leurs portes, au grand regret de ceux qui en consomment. Les points de vente d'alcool réouvrent après l'Aïd !"
- La prière : Durant le mois de Ramadan, le Muezzin grignote quelques décibels, et les mosquées se remplissent, surtout pour la prière du “Icha” (prière du soir) et des "Tarawih", une prière qui s'effectue en groupe pendant le mois de Ramadan, après la prière du "Icha". Certains qui ne font pas la prière d’habitude, s’y mettent pendant le mois de Ramadan...
- La surconsommation : "Pendant le mois de Ramadan, les Tunisiens consomment beaucoup, beaucoup trop. Ils ont des envies de tout. Un petit tour dans les grandes surfaces ou au marché, et on se rend compte de la consommation démesurée. Un seul repas durant la journée, mais des tablées gargantuesques chaque fois. Prévisible quand on fait les courses le ventre vide!" D'ailleurs, plusieurs personnes ont tenté de me convaincre que le jeun était bon pour la santé. Et bien, quand il me racontait comment ils se bourraient la pense en soirée, j'étais tout de même fort sceptique. Pauvre système digestif. Et que dire de ne pas boire durant toute la journée lorsqu'il fait 40 degrés à l'extérieur.
- Les disputes: “7achecht Romdhan”, une expression qu’on entend tous les jours pendant le mois de Ramadan. Les gens sont sur les nerfs. En référence au tabac, ou le “hachich” des cigarettes dont ils se privent durant la journée à cause du jeûne. En réalité, même ceux qui ne fument pas évoquent “hachichat romdhan” pour justifier leurs coups de colère." C'est vrai, on est tous un peu irritable quand l'appétit se fait sentir après quelques heures de retard sur l'horaire de repas habituel. Imaginez une journée au complet, sans café, ni cigarette !!! J'ai effectivement perçu, même dans mon environnement de travail, l'irritation apparaitre beaucoup plus facilement pour plusieurs.
La flambée de prix : "Qui dit mois Ramadan, dit flambée des prix. Les commerçants profitent de ce mois, durant lequel les Tunisiens ne veulent se priver de rien, pour augmenter les prix des denrées alimentaires."
La solidarité: "Durant le mois de Ramadan, les Tunisiens deviennent solidaires. Des “tables de rupture du jeûne” sont organisées pour les plus démunis. Les initiatives caritatives se multiplient, Ramadan fait renaître chez les citoyens, l'esprit d’entraide et l’altruisme. Enfin, pas tous..."
Fermeture des cafés et restaurants: "Pour les "fattaras" (ceux qui ne jeûnent pas), c'est le mois de tous les interdits. Où déjeuner en journée? Où boire son indispensable café matinal? Où fumer sa cigarette à l'abri des regards accusateurs? La vie de ceux qui ne jeûnent pas devient vite un vrai parcours du combattant. Cependant quelques restaurants résistent et restent ouverts en toute discrétion !
Ce bout la nous a affecté en tant qu'expat. TOUS LES restaurants étaient fermés le jour. Absolument tout. C'était sans contredit une des raisons pourquoi les enfants avaient hâte que le ramadan se termine. Il faut dire qu'ils sont arrivés en plein milieu de cette période. Cette année, j'entendais dire que les restaurants étaient particulièrement surveillés. Il y a même eu des descentes de police dans certains cafés qui ont osé ouvrir leur portes, même avec des rideaux installés dans les vitrines pour ne pas laisser percevoir cette légère clandestinité pour les fattaras.
http://www.lapressenews.tn/article/le-proprietaire-du-cafe-de-monastir-raconte-les-details-de-la-descente-musclee-de-la-police/94/2994
Sinon, le ramadan est la démonstration forte d'une foi qui se perpétue pour les gens d'ici. Jeunes et moins jeunes. Par contre, je crois que tout le monde anticipait avec impatience la fin, jusqu'au recommencement l'an prochain.
Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur le phénomène, wikipedia peut en dire davantage.
He bien, en principe, c'est 1,7 milliard de personnes qui s'y adonnent à chaque année. Le ramadan est un mois saint de la religion musulmane. Il s'agit d'un mois sacré durant lequel chaque croyant ayant l'âge requis est appelé à ne pas manger, à ne pas boire, à ne pas fumer et n'avoir aucune relation sexuelle tant que le soleil se pointe le bout du nez. Cette pratique est un des 5 piliers de l'islam.
Véritable phénomène social qui bouscule les habitudes quotidiennes de tous les tunisiens, le ramadan n'est jamais tout à fait aux mêmes dates d'une année à l'autre. C'est que cette période doit correspondre avec un mois lunaire pré-déterminé. Et le début n'est déclaré que la veille car le Mufti, chef religieux du pays, doit apercevoir un faisceau lumineux au travers la lune à un moment précis. Ensuite, il déclare le début du mois saint. Cette année, il a commencé le 17 juin.
En fait, je l'ai réellement appris la veille aussi. J'ai réellement appris que plus aucun magasin ne vendrait d'alcool pour la durée complète du ramadan. J'en ai donc profité pour faire quelques petites réserves, il va s'en dire.
Ce mois est particulièrement éprouvant pour beaucoup de gens. Les personnes âgées et les souffrants étant tout de même exemptés. Pourtant, tout le monde le pratique. La pression sociale est très forte.
Voici la journée typique d'un tunisien pendant le mois du ramadan:
1) Il se lève vers 3h pour manger avant l'aube
2) Il se recouche pour s'assoupir jusqu'à son départ au travail
3) Il travaille jusqu'à 15h sans boire, ni manger.
4) Retourne chez lui faire une sieste
5) Attend la rupture du jeun vers 20 h pour manger. À cette heure, n'essayez pas de trouver quelqu'un dans la rue. Ils sont autour de la table quelques part, attendant impatiemment leurs premières bouchées.
6) Le souper se fait en famille, débute avec du lait et des dattes, doucement pour faire attention à l'estomac fragile. S'ensuit un festin quotidien et une fête qui dure jusqu'à minuit- une heure.
7) Petite sieste de 2 heures en attendant 3h.
8) Ainsi de suite...
Alors, vous comprendrez que cet exercice routinier crée quelques inconvénients. Le Huffington Post Maghrébin en a recensé quelques unes dont j'ai été témoins. Voici quelques citations de l'article:
- Contreproductivité : "Personne ne peut le nier, pendant le mois de Ramadan, le pays fonctionne au ralenti. Et comme cela coïncide depuis quelques années, avec la séance unique appliquée en été, pour les fonctionnaires, les horaires administratifs de travail sont de 7h30 à 14h (et 13h vendredi). Mais comme ils veillent très tard, et qu’ils ne prennent pas leurs cafés le matin, inutile de dire que la productivité est proche de zéro..." Pour ma part, j'ai été témoin de plusieurs petits roupillons involontaires chez les collègues.
- Pénurie d'alcool: "En Tunisie durant le Ramadan, les bars ouverts ne servent d'alcool qu'aux étrangers (non musulmans), sous présentation de la carte d'identité et vérification que le nom ne soit pas d'origine musulmane... Aberration ou pas? il faut s'y faire! Les points de vente d'alcool ferment leurs portes, au grand regret de ceux qui en consomment. Les points de vente d'alcool réouvrent après l'Aïd !"
- La prière : Durant le mois de Ramadan, le Muezzin grignote quelques décibels, et les mosquées se remplissent, surtout pour la prière du “Icha” (prière du soir) et des "Tarawih", une prière qui s'effectue en groupe pendant le mois de Ramadan, après la prière du "Icha". Certains qui ne font pas la prière d’habitude, s’y mettent pendant le mois de Ramadan...
- La surconsommation : "Pendant le mois de Ramadan, les Tunisiens consomment beaucoup, beaucoup trop. Ils ont des envies de tout. Un petit tour dans les grandes surfaces ou au marché, et on se rend compte de la consommation démesurée. Un seul repas durant la journée, mais des tablées gargantuesques chaque fois. Prévisible quand on fait les courses le ventre vide!" D'ailleurs, plusieurs personnes ont tenté de me convaincre que le jeun était bon pour la santé. Et bien, quand il me racontait comment ils se bourraient la pense en soirée, j'étais tout de même fort sceptique. Pauvre système digestif. Et que dire de ne pas boire durant toute la journée lorsqu'il fait 40 degrés à l'extérieur.
- Les disputes: “7achecht Romdhan”, une expression qu’on entend tous les jours pendant le mois de Ramadan. Les gens sont sur les nerfs. En référence au tabac, ou le “hachich” des cigarettes dont ils se privent durant la journée à cause du jeûne. En réalité, même ceux qui ne fument pas évoquent “hachichat romdhan” pour justifier leurs coups de colère." C'est vrai, on est tous un peu irritable quand l'appétit se fait sentir après quelques heures de retard sur l'horaire de repas habituel. Imaginez une journée au complet, sans café, ni cigarette !!! J'ai effectivement perçu, même dans mon environnement de travail, l'irritation apparaitre beaucoup plus facilement pour plusieurs.
La flambée de prix : "Qui dit mois Ramadan, dit flambée des prix. Les commerçants profitent de ce mois, durant lequel les Tunisiens ne veulent se priver de rien, pour augmenter les prix des denrées alimentaires."
La solidarité: "Durant le mois de Ramadan, les Tunisiens deviennent solidaires. Des “tables de rupture du jeûne” sont organisées pour les plus démunis. Les initiatives caritatives se multiplient, Ramadan fait renaître chez les citoyens, l'esprit d’entraide et l’altruisme. Enfin, pas tous..."
Fermeture des cafés et restaurants: "Pour les "fattaras" (ceux qui ne jeûnent pas), c'est le mois de tous les interdits. Où déjeuner en journée? Où boire son indispensable café matinal? Où fumer sa cigarette à l'abri des regards accusateurs? La vie de ceux qui ne jeûnent pas devient vite un vrai parcours du combattant. Cependant quelques restaurants résistent et restent ouverts en toute discrétion !
Ce bout la nous a affecté en tant qu'expat. TOUS LES restaurants étaient fermés le jour. Absolument tout. C'était sans contredit une des raisons pourquoi les enfants avaient hâte que le ramadan se termine. Il faut dire qu'ils sont arrivés en plein milieu de cette période. Cette année, j'entendais dire que les restaurants étaient particulièrement surveillés. Il y a même eu des descentes de police dans certains cafés qui ont osé ouvrir leur portes, même avec des rideaux installés dans les vitrines pour ne pas laisser percevoir cette légère clandestinité pour les fattaras.
http://www.lapressenews.tn/article/le-proprietaire-du-cafe-de-monastir-raconte-les-details-de-la-descente-musclee-de-la-police/94/2994
Sinon, le ramadan est la démonstration forte d'une foi qui se perpétue pour les gens d'ici. Jeunes et moins jeunes. Par contre, je crois que tout le monde anticipait avec impatience la fin, jusqu'au recommencement l'an prochain.
Pour ceux qui voudraient en savoir plus sur le phénomène, wikipedia peut en dire davantage.